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EAN13
9782382101506
ISBN
978-2-38210-150-6
Éditeur
AZ EDITIONS
Date de publication
Nombre de pages
224
Dimensions
18 x 11 x 1,7 cm
Poids
172 g
Langue
français
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Paris va mourir

Az Editions

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Francis Ryck, le précurseur.
Et si on arrêtait de mentir ? La plupart des auteurs de polars, de thrillers et même de romans fantastiques d’aujourd’hui ont tendance à vous raconter toujours la même histoire : la vocation leur serait venue en lisant les grands maîtres américains. Ils ne seraient rien sans Hammett et Chandler, Thompson et Goodis, Westlake et Mc Bain, Lovecraft et Stephen King. Comme s’ils n’avaient jamais lu, durant leur adolescence, d’auteurs français. Comme s’il ne leur était jamais tombé entre les mains, au hasard d’une bibliothèque parentale ou sur les rayonnages poussiéreux d’une maison de campagne, chez des bouquinistes ou dans des brocantes, les romans de Jean Mazarin, de G.J Arnaud, de Jean-Pierre Andrevon, de Pierre Siniac ou encore de Paul Kenny. Comme s’ils n’avaient jamais connu leurs premiers émois littéraires et parfois érotiques –c’est souvent la même chose- avec les couvertures sagement dénudées de Gourdon servant d’écrin aux auteurs bien de chez nous qui faisaient rouler des personnages fumant des Gitanes et des Boyards dans des R16 plutôt que des privés en trench-coat dans des Chevrolet Camaro ou des Ford Mustang.
C’est finalement à cause de ce snobisme que des auteurs comme Francis Ryck sont tellement oubliés aujourd’hui. En plus, Francis Ryck n’a pas eu de chance. Il a inventé beaucoup de choses trop tôt. Les précurseurs sont rarement récompensés. Prenons l’exemple du néo-polar. Son père officiel est Jean-Patrick Manchette avec L’affaire N’Gustro en 1971. Le néo-polar, ce courant qui perdure encore aujourd’hui a donné au genre, dans les années 70, une dimension politique beaucoup plus forte, abordant des sujets qu’on croyait impossible de traiter dans la littérature populaire : la violence étatique, la violence sociale, le terrorisme ou encore ces formes nouvelles qu’ont pris le crime et la délinquance avec l’apparition des banlieues.
Pourtant, dès 1969, avec Paris va mourir que French Pulp vous propose aujourd’hui, tous les ingrédients du néo-polar, étaient déjà là et notamment cette capacité à saisir l’atmosphère idéologique d’une époque pour la transformer en formidable moteur d’une action haletante. On n’a pas vraiment le temps de reprendre son souffle, dans Paris va mourir. Francis Ryck utilise comme personnage principal un type romanesque qui lui est cher. Celui de l’espion, mais un espion qui n’est pas James Bond. Roc, dans Paris va mourir, contrairement à son nom, n’est pas fait d’une pièce. Son humanité, ses doutes, voire une certaine fragilité le mettent plutôt, dans le jeu des sept familles des barbouzes, du côté du Smiley de John Le Carré. Il est certes un peu plus homme d’action, mais il est confronté aux mêmes dilemmes moraux. Jusqu’où peut-on sacrifier des vies humaines pour mener à bien une mission ? On peut gager que ce genre de questions use autant ce type d’hommes que les nuits de veille ou la tension nerveuse due aux missions d’infiltration comme celle de Roc, au sein d’un groupe d’étudiants maoïstes.
Chaque époque a son ennemi, fantasmé ou non, qui veut la détruire. En 69, ce n’est pas l’Etat Islamique qui fait peur, c’est Mao. Le Grand Timonier séduit une partie de la jeunesse intellectuelle. Ryck imagine donc qu’un de ces groupes passe à l’action. On a beau se trouver dans un décor qui nous semble aussi éloigné que l’Atlantide, avec des Dauphine dans les rues, des Caravelle dans le ciel et des poêles pour chauffer les pavillons de banlieue, Paris va mourir va rappeler soudain beaucoup de choses tragiques au lecteur de 2016. Les attentats commis par le groupe, eux, pourraient l’être aujourd’hui : grenades lancées sur un bateau mouche depuis un pont, train qui déraille, bus qui explosent et des centaines de morts à la clef.
Très actuelles aussi, les scènes d’endoctrinement des étudiants qui pourraient faire penser à La Chinoise de Godard sur le mode amusant mais aussi et surtout à ces sinistres phénomènes de radicalisation par internet que l’on voit aujourd’hui à l’œuvre.
Ryck a décidément quelque chose de prophétique. Dans Le compagnon indésirable qui avait donné au cinéma Le Secret de Robert Enrico, il avait anticipé de manière effrayante la manière dont un état démocratique peut se doter de prisons secrètes où il enfermera sans jugement ses ennemis ou ceux qu’ils jugent tels pour les faire parler. Dans Paris va mourir, c’est le terrorisme de masse devenu notre presque quotidien depuis le 11 septembre 2001 dont il trace les contours à venir.
Il faut, et ce n’est pas difficile tant le talent de raconteur d’histoires de Ryck est manifeste, se laisser emporter par Paris va mourir. On y retrouve ce qui fait les ingrédients les plus relevés du roman populaire : l’action haletante, les coups de théâtre, l’incertitude constante sur l’identité des uns et des autres. Mais il y a aussi une touche propre à Francis Ryck, c’est un mélange unique d’atmosphère onirique, presque fantastique qui se conjugue avec une intelligence de son temps et de la façon dont il pourrait évoluer : on trouve des maoïstes, dans Paris va mourir, mais on trouve aussi des hippies manipulés sur une île qui fait penser au Village de la série Le prisonnier et on parle déjà d’armes bactériologiques de destruction massive.
Dernière chose, qui explique l’étonnante fraîcheur de ce roman. Ryck ne juge jamais. Quand ses successeurs du néo-polar auront parfois la tentation de transformer leurs histoires en tracts politiques, lui se contente de raconter, d’enregistrer.
Francis Ryck, c’est un sismographe qui ferait des cauchemars.
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