Une agriculture sans agriculteur

Avec La fin des paysans, Henri Mendras avait décrit à la fois l’exode rural et
la mutation du paysan vers l’agriculteur. Le paysan est mort ? Vive le chef
d’exploitation sur une ferme familiale et mécanisée. Tel a été, depuis les
années 1960, le projet politique de nos campagnes. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Pourquoi ce mal-être des agriculteurs ? Bertrand Hervieu et François Purseigle
montrent ce modèle agricole s’est peu à peu effacé. En 2020, le chef
d’exploitation ne représente plus qu’1,6% de la population active. La
production est assurée de plus en plus par des salariés ou des sous-traitants,
encadrés par des firmes. La logistique est le véritable patron. La
productivité augmente. Dans les espaces ruraux, les agriculteurs, devenus
minoritaires, ne portent plus leur vision du territoire. En silence et non
sans douleurs, une agriculture sans agriculteurs s’est installée. Directeur de
recherche au CNRS, Bertrand Hervieu est sociologue, spécialiste des questions
rurales et agricoles. Il est notamment l’auteur de Sociologie des mondes
agricoles, avec François Purseigle (Armand Colin, 2008) et des Orphelins de
l'exode rural, ( Éditions de l'Aube, 2008) ou encore, coauteur des Mondes
agricoles en politique ( Presses de Sciences Po, 2010). François Purseigle est
professeur des universités en sociologie à l'Institut National Polytechnique
de Toulouse où il dirige le département de Sciences économiques, sociales et
de gestion de l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse (INP-
ENSAT). Il a notamment dirigé, aux Presses de Sciences Po, Le nouveau
capitalisme agricole. De la ferme à la firme (2017).